Cours - les émotions et les soins

1. Définition de l’émotion

L’émotion est un phénomène affectif intense, ressenti par un individu et rattaché à une cause identifiable (« je suis triste parce que… »). Elle est le plus souvent consciente, car la personne est capable de reconnaître l’événement déclencheur.

Elle se caractérise par une durée limitée dans le temps : dans environ la moitié des situations, elle ne dépasse pas une heure, et dans la majorité des cas, elle ne s’étend pas au-delà d’une journée. L’émotion se distingue ainsi des humeurs ou des états affectifs plus durables.

En contexte de soins, l’émotion apparaît fréquemment dans une relation d’interaction sociale, notamment dans la rencontre entre un soignant et un patient. Cette relation est chargée d’affects, tant du côté du soigné que du soignant. Florence Nightingale soulignait déjà que l’exercice infirmier « implique nécessairement la vie émotionnelle des soignants », mettant en lumière l’importance du registre émotionnel dans la pratique professionnelle.

On identifie classiquement cinq émotions fondamentales :

  • la peur,

  • la colère,

  • la tristesse,

  • la joie,

  • le dégoût.

Ces émotions primaires sont universelles et constituent la base d’émotions plus complexes.


2. Le concept de travail émotionnel dans les soins infirmiers

Le travail émotionnel désigne l’effort déployé par un individu pour moduler ses émotions, que ce soit en modifiant leur intensité ou leur nature, afin de s’adapter à une situation ou de répondre aux attentes de son rôle professionnel.

Dans le champ des soins infirmiers, ce travail émotionnel consiste le plus souvent à transformer certaines émotions dites « négatives » (comme la colère, l’agacement ou le dégoût) en émotions socialement et professionnellement acceptables. Le soignant est ainsi tenu d’exprimer certaines émotions (empathie, calme, bienveillance) et d’en réprimer d’autres. Cette régulation est indispensable à la qualité de la relation soignant-soigné.

Cependant, maîtriser ses émotions ne signifie pas les nier ou les supprimer. Au contraire, une émotion non reconnue ou refoulée peut engendrer une souffrance psychique importante, favoriser l’« usure professionnelle » et contribuer à l’apparition d’un burn-out, d’un épuisement émotionnel ou d’une perte de sens.

Le travail émotionnel suppose donc que le soignant soit capable de :

  • comprendre ses propres émotions,

  • les évaluer,

  • les réguler,

  • mais aussi de prendre en compte les émotions du patient, de son entourage et de ses collègues.

Cette gestion émotionnelle s’inscrit dans des exigences professionnelles, c’est-à-dire dans ce qui est attendu du soignant en termes de posture, de comportement, de communication et d’éthique.

En définitive, pour pouvoir gérer ses émotions de manière ajustée, le soignant doit d’abord être capable de les écouter, de les reconnaître et de leur donner du sens.

Le travail émotionnel est étroitement lié à :

  • l’intelligence émotionnelle, qui correspond à la capacité à comprendre et à utiliser ses émotions et celles des autres ;

  • les compétences émotionnelles, qui permettent d’identifier, d’exprimer, de comprendre, de réguler et d’utiliser ses émotions pour mieux s’adapter à son environnement professionnel.


3. La gestion des émotions : principales techniques utilisées par les soignants

Différentes stratégies permettent aux soignants de mieux gérer leurs émotions au quotidien :

🔹 Identifier ses émotions

Il s’agit de repérer précisément ce que l’on ressent (peur, colère, tristesse, impuissance…) afin d’en rechercher les causes : lien avec le patient, avec sa propre histoire personnelle, avec la représentation de la maladie ou encore avec l’idéal professionnel.

🔹 Positiver et réinterpréter la situation

Changer le regard porté sur une situation permet parfois d’en diminuer la charge émotionnelle, en modifiant le sens que l’on y attribue.

🔹 Relativiser par l’humour

Lorsqu’il est adapté et respectueux, l’humour peut aider à désamorcer la tension émotionnelle et à prendre de la distance.

🔹 Se recentrer sur les gestes de soins

Le fait de se concentrer sur les actes infirmiers, qu’ils soient techniques ou relationnels, peut aider à canaliser l’émotion et à rester dans une posture professionnelle.

🔹 Passer le relais

Lorsque l’émotion devient trop envahissante, il est parfois nécessaire de confier le patient à un collègue, afin d’éviter des comportements inadaptés ou une surcharge émotionnelle.

🔹 Verbaliser ses émotions

Parler de ce que l’on ressent avec d’autres soignants permet de rompre l’isolement, de prendre du recul et de prévenir l’épuisement émotionnel.

🔹 Recourir aux techniques de relaxation

Respiration, cohérence cardiaque, détente musculaire ou méditation peuvent aider à contrôler l’expression corporelle des émotions (notamment la colère ou l’anxiété).

🔹 Mettre en place des stratégies d’adaptation (coping)

Le coping correspond à l’ensemble des stratégies conscientes mises en place pour faire face au stress et aux émotions difficiles.


Conclusion
La gestion des émotions est une compétence centrale du métier infirmier. Elle repose sur l’équilibre entre maîtrise émotionnelle, authenticité et protection psychique du soignant. Un travail émotionnel bien mené améliore la qualité de la relation de soins, préserve la santé mentale des professionnels et participe directement à la qualité de la prise en charge du patient.