Cours - La méthode ABCDEF

La traumatologie : cadre général

La traumatologie constitue une spécialité médicale et chirurgicale qui se consacre à l’étude, l’analyse et le traitement des atteintes physiques provoquées par divers types d’agressions. Elle prend en compte autant les lésions locales que les répercussions générales de l’événement traumatisant.

Définitions essentielles

  • Traumatisme :
    Désigne l’ensemble des lésions touchant les tissus ou organes après l’action d’une force externe, ainsi que les perturbations générales qui en découlent.
    Le terme renvoie soit à la lésion elle-même, soit à l’action responsable.

  • Blessure :
    Atteinte causée par un choc, un coup, un objet contondant ou tranchant.

  • Trauma :
    Forme abrégée, issue du grec « trauma », signifiant blessure.

Définition selon l’approche médicale internationale

Un traumatisme survient lorsqu’un organisme est exposé de façon brusque à une quantité d’énergie dépassant sa capacité d’absorption.
Cette énergie peut être :

  • mécanique (choc, décélération, écrasement),

  • thermique (brûlure, gel),

  • électrique,

  • chimique,

  • ou ionisante.

Dans certains cas, le traumatisme provient d’une privation subite d’un élément vital : oxygène (noyade, strangulation), chaleur (gel), etc.

Un point central : le traumatisme est un phénomène soudain, bref, et l’exposition à l’énergie précède immédiatement l’apparition des lésions.

Classifications des traumatismes

Les traumatismes peuvent être classés de plusieurs manières pour faciliter leur compréhension et leur prise en charge.

Classification selon les mécanismes d’action

a) Par type d’énergie

  • Énergie cinétique : accélération/décélération, chocs, vitesse.

  • Énergie thermique : chaleur ou froid extrême.

  • Énergie électrique : intensité, tension, fréquence.

  • Rayonnements ionisants : effets déterministes (doses élevées) ou stochastiques (effets aléatoires).

  • Toxicité chimique : acides, bases, toxiques, gaz (CO, CO₂…).

  • Privation : manque d’oxygène, asphyxie, ischémie.

  • Impact psychique : traumatisme émotionnel soudain.

On exclut les mécanismes lents ou répétitifs (ex. : lombalgies chroniques), car un traumatisme implique une action rapide.

Classification selon la localisation

  • Crâne et colonne vertébrale : atteinte cérébrale ou médullaire.

  • Thorax : atteinte respiratoire ou circulatoire.

  • Abdomen : organes digestifs, urinaires, génitaux.

  • Peau : fonction barrière.

  • Muscles et squelette : appareil locomoteur.

  • Nerfs : motricité et sensibilité.

  • Vaisseaux : circulation sanguine.

Notions à connaître :

  • Polyfracturé : présence de plusieurs fractures.

  • Polytraumatisé : plusieurs lésions dont au moins une met en péril la vie.

Classification selon l’intentionnalité

Traumatismes intentionnels

  • Automutilation, tentatives de suicide

  • Agressions sur autrui

  • Attentats, conflits armés

Traumatismes non intentionnels

  • Accidents de circulation

  • Accidents du travail

  • Accidents domestiques

Certaines situations sont complexes à catégoriser (suicide au volant, agressions au travail…).

Classification selon les spécialités médicales

  • Chirurgie orthopédique et viscérale : os, articulations, viscères.

  • Médecine d’urgence et réanimation : détresses vitales.

  • Psychiatrie : traumatisme psychique.

  • Médecine du travail : prévention et aptitude.

  • Médecine du sport : adaptation à l’effort, prévention des blessures.

  • Médecine légale : analyse du mécanisme, expertise.

Classification selon les groupes de population

Utilisée en épidémiologie pour adapter prévention et prise en charge :

  • Accidentologie routière

  • Accidentologie professionnelle

  • Accidents de la vie courante

  • Accidentologie intentionnelle (violences, suicides, conflits)

Physiopathologie du traumatisme

La physiopathologie cherche à comprendre comment l’énergie impliquée dans un traumatisme provoque des lésions.

Énergie mécanique

a) Notion d’énergie cinétique

Elle dépend de la masse et surtout de la vitesse (v²).
Un léger accroissement de vitesse augmente fortement la puissance du choc.
Ex. : un impact à 150 km/h équivaut à une chute d’environ 30 étages.

b) Notion de « poids apparent »

Lors d’une décélération brutale, les organes deviennent beaucoup plus lourds.
Ex. : le cerveau de 1,5 kg peut atteindre plus de 100 kg en décélération extrême.
Cela explique les déchirures, ruptures de vaisseaux et lésions viscérales.

c) Biomécanique

Elle étudie la résistance des tissus : élasticité, solidité osseuse, capacité d’absorption des chocs.

On distingue deux grands types :

  • traumatismes fermés,

  • traumatismes pénétrants.

Traumatismes fermés

a) Choc direct / écrasement (« crush »)

  • fractures,

  • contusions pulmonaires, cardiaques, hépatiques, spléniques.

b) Décélération

  • ruptures de vaisseaux majeurs,

  • lésions viscérales profondes.

c) Onde de choc (« blast »)

Survient lors d’explosions : variations brutales de pression
→ atteinte des organes creux (poumons, intestins) et organes pleins.

Traumatismes pénétrants

  • Plaies par armes blanches / objets contondants.

  • Plaies par balles : phénomène de cavitation, fragmentation, dégâts profonds et étendus.

Énergie électrique

Les lésions dépendent :

  • du trajet du courant dans le corps,

  • de l’intensité (les ampères sont responsables des troubles cardiaques),

  • de la tension,

  • de la durée d’exposition.

Risques :

  • fibrillation ventriculaire dès ~80 mA,

  • arrêt cardiaque pour des intensités > 4 A,

  • brûlures profondes par effet Joule.

Énergie thermique

La gravité dépend de la température et du temps d’exposition.

  • À 50°C → brûlure en 10 minutes

  • À 70°C → brûlure en 1 seconde

Types de brûlures :

  • 1er degré : rougeur douloureuse

  • 2e degré : phlyctènes ou aspect parcheminé

  • 3e degré : destruction tissulaire profonde, indolore

Énergie chimique

Engagée dans les projections d’acides ou de bases.

Acides :

  • déshydratation cellulaire

  • coagulation des protéines

  • lésions limitées mais profondes

Bases :

  • pénétration profonde

  • destruction protéique

  • nécrose de liquéfaction

Mécanismes possibles :

  • oxydoréduction

  • dessiccation

  • réactions exothermiques

  • saponification des graisses

Rayonnements ionisants

Deux types d’effets :

  • déterministes : proportionnels à la dose (rougeur, chute cheveux, brûlures, syndrome aigu)

  • stochastiques : aléatoires (cancers, mutations)

Méthode ABCDEF – Fondements (Partie 1)

Origine

La méthode ABCDE provient de l'approche ATLS/ATCN, développée pour standardiser la prise en charge des traumatisés graves.
Elle repose sur un principe simple :
→ traiter d’abord ce qui tue le plus vite.

Les priorités vitales guident la chronologie des soins.

Principes essentiels

  • Suivre une démarche structurée

  • Aller du plus urgent au moins urgent

  • Réévaluer régulièrement

  • Ne jamais aggraver la situation

  • Gagner du temps, car la survie dépend de la rapidité d’intervention

Méthode ABCDEF – Application détaillée (Partie 2)

La méthode est organisée autour de 6 étapes, chacune représentant une priorité vitale.

A – Airway

Gestion des voies aériennes et protection cervicale

Objectifs :

  • Stabiliser le rachis cervical

  • Identifier une obstruction ou un risque d’obstruction

  • Libérer les voies aériennes (manœuvres adaptées)

  • Protéger les voies aériennes (canules, immobilisation)

B – Breathing

Respiration et ventilation

Objectifs :

  • Détecter une détresse respiratoire

  • Réaliser les gestes vitaux (oxygénation, ventilation)

  • Utiliser le matériel approprié

  • Rechercher la cause (pneumothorax, contusion, corps étranger…)

  • Mettre en œuvre les traitements adaptés

C – Circulation

Contrôle de l’hémorragie et stabilité hémodynamique

Objectifs :

  • Identifier une hémorragie interne ou externe

  • Réaliser les gestes vitaux (compression, garrot…)

  • Utiliser équipements et examens pour orienter le diagnostic

  • Déterminer la source du saignement

  • Rechercher d’autres chocs non hémorragiques

  • Initier les traitements (remplissage, transfusion…)

D – Disability

État neurologique

Objectifs :

  • Identifier un trouble neurologique lié au traumatisme

  • Protéger le rachis si besoin

  • Évaluer la gravité (score de Glasgow…)

  • Réaliser examens complémentaires

  • Mettre en œuvre les soins adaptés

E – Exposure / Environment

Exposition et gestion environnementale

Objectifs :

  • Prévenir et corriger l’hypothermie

  • Déshabiller en préservant la température

  • Examiner la victime de la tête aux pieds :

    • plaies

    • brûlures

    • fractures, luxations, entorses

  • Rechercher d’autres signes lésionnels

  • Réaliser les examens complémentaires

  • Mettre en place mesures thérapeutiques et prévenir complications

F – Family / Psychological impact

Contexte familial et prise en compte du traumatisme psychique

Objectifs :

  • Recueillir antécédents et éléments contextuels

  • Identifier les signes de souffrance psychique

  • Différencier signes précoces et persistants

  • Accompagner la personne et son entourage

Conclusion générale

Le processus traumatique est un phénomène brutal résultant d’une énergie dépassant les capacités du corps humain.
Comprendre :

  • sa nature,

  • ses mécanismes,

  • sa physiopathologie,

  • et surtout la méthode ABCDEF,

permet d’assurer une prise en charge efficace, structurée et sécurisée du traumatisé grave.