Cours - BREATHING

Place du thorax dans les priorités de prise en charge du traumatisé grave

Chez une personne traumatisée, les atteintes respiratoires occupent une position centrale dans l’évaluation initiale.
En effet, tout défaut d’oxygénation peut mener rapidement à un arrêt circulatoire puis cardiaque.

Les objectifs clés sont donc :

  • de reconnaître rapidement une détresse respiratoire,

  • d’en identifier les causes (hors obstruction des voies aériennes qui relève du « A »),

  • d’équiper correctement le patient pour assurer une oxygénation minimale,

  • et d’orienter le diagnostic vers les lésions thoraciques potentiellement létales.

Rappels anatomiques et physiologiques essentiels

Avant d’aborder les lésions thoraciques, il est indispensable de comprendre la structure du thorax et son rôle dans la respiration.

1. Le transport de l’oxygène et l’élimination du CO₂

le cœur et les poumons travaillent ensemble pour :

  • apporter de l’oxygène aux tissus,

  • éliminer le dioxyde de carbone,

  • maintenir un équilibre acido-basique compatible avec la vie.

Les échanges gazeux se réalisent au niveau des alvéoles pulmonaires, dans un réseau de capillaires extrêmement dense.

2. L’arbre respiratoire

Les principales structures sont :

  • la trachée,

  • la bronche souche droite (plus verticale et donc plus exposée aux inhalations),

  • la bronche souche gauche,

  • les bronches lobaires puis segmentaires.

3. La plèvre

La plèvre est formée :

  • d’une feuille viscérale qui recouvre le poumon,

  • d’une feuille pariétale qui tapisse l’intérieur du thorax,

  • d’un espace pleural contenant un film liquidien permettant le glissement des deux feuillets.

 

Toute atteinte de cet espace (air ou sang) perturbe immédiatement la mécanique ventilatoire.

4. La cage thoracique et les muscles respiratoires

La cage thoracique comprend :

  • le sternum,

  • les côtes,

  • les vertèbres,

  • le diaphragme.

Les muscles intercostaux  et le diaphragme  sont indispensables à la respiration.

Le diaphragme est le muscle respiratoire principal, innervé par les nerfs phréniques issus de C4. Toute atteinte cervicale haute peut donc entraîner une paralysie respiratoire.

Mécanique ventilatoire

Lors de l’inspiration, les diamètres thoraciques augmentent dans trois axes :

  • antéro-postérieur,

  • transversal,

  • vertical.

Une lésion thoracique peut donc gêner l’expansion du thorax et compromettre la ventilation.

Causes de décès traumatiques en lien avec le thorax

plusieurs mécanismes peuvent conduire rapidement à la mort :

  • l’air n’atteint pas les poumons,

  • l’oxygène n’est pas transféré dans le sang,

  • la circulation du sang vers le cerveau est interrompue,

  • le cerveau est détruit,

  • des lésions internes graves s’ajoutent (digestives, fractures…).

Dans le protocole ATLS , ces aspects correspondent à la lettre B.

Signes cliniques d’une détresse respiratoire

Les signes à repérer immédiatement sont :

  • dyspnée,

  • respiration rapide,

  • tirage (utilisation des muscles accessoires),

  • respiration paradoxale,

  • cyanose,

  • sueurs abondantes.

Toute apparition de ces signes indique une urgence absolue.

Équipement du traumatisé thoracique

1. Oxygénation

L’apport d’oxygène est vital.
Deux situations :

a) Le patient respire encore

→ masque à haute concentration
→ débit O₂ : 9 à 15 L/min

b) Le patient ne ventile plus correctement

→ ventilation manuelle au BAVU (ballon auto-remplisseur)
→ 15 L/min d’O₂

2. Surveillance de la saturation (SpO₂)

 la corrélation entre saturation et PaO₂ :

  • SpO₂ 100 % → PaO₂ ≈ 90 mmHg

  • SpO₂ 90 % → PaO₂ ≈ 60 mmHg

  • SpO₂ 60 % → PaO₂ ≈ 30 mmHg

→ sous 90%, la désaturation est très rapide et dangereuse.

Examens complémentaires

1. Radiographie thoracique

Elle permet d’analyser :

  • trachée et bronches,

  • plèvres et parenchyme,

  • cœur et gros vaisseaux,

  • diaphragme,

  • côtes et tissus mous.

2. Échographie pleurale

Indispensable car très rapide :

  • détecte un épanchement avec une sensibilité de 97,5 %,

  • beaucoup plus rapide qu’une radio (1 min 30).

3. Gaz du sang

Mesure :

  • PaO₂

  • PaCO₂

  • pH

  • SaO₂

  • HCO₃⁻

  • Hb

Indispensable pour évaluer la gravité de l’hypoxie ou de l’hypercapnie.

Principales lésions thoraciques mettant en jeu le pronostic vital

1. Volet costal

Un volet costal apparaît lorsque plusieurs côtes contiguës sont fracturées, créant un segment mobile de la paroi thoracique.
Conséquences :

  • respiration paradoxale,

  • douleur intense,

  • hypoventilation.

Il est souvent associé à une contusion pulmonaire (page 21), aggravant encore l’oxygénation.

2. Plaie soufflante du thorax

Il s’agit d’une plaie profonde permettant à l’air d’entrer et sortir directement du thorax, provoquant :

  • un balancement médiastinal,

  • une détresse respiratoire majeure.

Réflexe vital : OBTURER immédiatement la plaie
→ mais sans colmater totalement, car cela peut créer un pneumothorax compressif;

3. Pneumothorax compressif

Air sous pression dans la plèvre → compression du poumon → déplacement du cœur → arrêt circulatoire.

Signes :

  • détresse respiratoire aiguë

  • turgescence jugulaire

  • déviation trachéale

  • silence auscultatoire

  • tympanisme

  • cyanose tardive

Diagnostic CLINIQUE, pas d’imagerie.

Traitement immédiat : exsufflation d’urgence
→ ponction en 2e espace intercostal, ligne médio-claviculaire.

4. Pneumothorax simple

Accumulation d’air sans compression majeure.
Quand il devient plus volumineux, il nécessite un drainage.

5. Hémothorax massif

Définition :
→ plus de 1500 ml de sang dans la plèvre dès la mise en place du drain.

Gravité car associe :

  • problème ventilatoire (B),

  • problème circulatoire (C).

6. Hémothorax simple

Présence de sang dans l’espace pleural → affaissement partiel du poumon → baisse de l’oxygénation.

7. Fractures de côtes

Gravité variable selon les niveaux :

  • K1–K3 : suspicion de lésion de l’aorte ou gros vaisseaux

  • K4–K9 : contusion pulmonaire, pneumothorax

  • K10–K12 : risque de lésions abdominales (foie, rate, reins)

Chez la personne âgée : toujours grave.

8. Rupture du diaphragme

Peut entraîner la remontée :

  • de l’estomac,

  • de l’intestin,

  • de la vessie,

dans le thorax → détresse respiratoire aiguë.

9. Dissection traumatique de l’aorte

Urgence absolue. Souvent liée à un traumatisme très violent du thorax.

Drainage thoracique

1. Le matériel

  • trocart,

  • drain thoracique,

  • système d’aspiration.

2. Site de mise en place

→ ligne axillaire moyenne, 4e espace intercostal.

3. Méthode

Le drain est dirigé en haut et en arrière, branché à une aspiration de –20 cm H₂O.

4. Indications

Tous les épanchements pleuraux significatifs (air ou sang).