Cours - Développement de la personne et de la personnalité
Personne
Le terme personne renvoie avant tout à une conception politique, sociale et juridique de l’être humain. À partir du siècle des Lumières, s’impose en Europe l’idée d’un individu doté d’une conscience propre, de libertés, de droits et de devoirs ; en droit, on parle alors de « personne morale ». Cette définition, initialement limitée, s’est élargie au XXᵉ siècle pour inclure les femmes puis les enfants.
La personne n’est pas une donnée fixe : elle se construit au fil de son existence, en interaction avec la société dans laquelle elle vit.
Personnalité
La personnalité relève davantage de la psychologie et de la psychiatrie. Elle correspond à l’ensemble des traits propres à un individu, c’est-à-dire sa manière caractéristique de penser, ressentir et agir dans des situations concrètes.
Ce concept s’appuie sur des normes et des systèmes de classification : on utilise notamment des tests ou profils de personnalité dans les contextes d’orientation ou de recrutement.
Développement de la personne et de la personnalité
Le développement humain repose sur deux principes essentiels :
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l’être humain se développe tout au long de sa vie ;
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ce développement résulte de l’interaction entre des facteurs biologiques, environnementaux, sociaux et affectifs.
Avant la naissance : conception et grossesse
Conception
La représentation future de l’enfant est influencée par l’histoire des parents et par la société. Historiquement, on faisait de nombreux enfants surtout pour en voir survivre quelques-uns ; puis, au XXᵉ siècle, l’enfant devient un « enfant-roi ». Aujourd’hui, il est associé à l’idée de réussite personnelle, tandis que les formes familiales se diversifient. Les progrès médicaux ont également transformé la manière de concevoir (FIV, dons d’ovocytes, etc.).
Les parents doivent progressivement faire le deuil de l’enfant imaginaire pour accueillir l’enfant réel.
Grossesse
La grossesse provoque des transformations biologiques et psychiques majeures. Elle s’accompagne parfois d’émotivité, de questionnements identitaires, voire d’angoisse nécessitant un accompagnement.
La relation précoce mère-bébé est marquée par une forme de symbiose : les facteurs tels que carence, stress ou dépression maternelle ont un impact sur le développement du fœtus.
Le bébé présente déjà des capacités in utero.
Naissance et premiers mois
La naissance oblige à un nouveau deuil de l’enfant idéal. Les premières interactions s’organisent selon des modèles théoriques :
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la mère suffisamment bonne de Winnicott,
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la dyade mère-enfant en psychanalyse,
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la théorie de l’attachement de Bowlby.
Développement de l’enfant
Perception
Les études sur l’habituation ont mis en lumière des compétences très précoces :
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À 3 mois, discrimination des formes et des couleurs.
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À 7 mois, reconnaissance du visage maternel.
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Très tôt, discrimination de sons (« ba » / « pa », voix maternelle, rythmes…).
L’attention et les capacités de traitement de l’information s’affinent progressivement.
Motricité
À 3 ans, l’enfant atteint une motricité proche de celle de l’adulte. Deux lois expliquent cette évolution :
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céphalocaudale : maîtrise du haut vers le bas du corps ;
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proximodistale : du centre du corps vers les extrémités.
Il existe plusieurs réflexes archaïques (succion, grasping, Moro, etc.). Leur persistance peut signaler un trouble neurologique.
Le développement moteur inclut également l’alimentation, l’habillement et l’acquisition du contrôle sphinctérien.
Développement cognitif et langage
Ce développement correspond à la capacité d’acquérir et structurer des informations sur le monde.
Selon Piaget, il se déroule par assimilations et accommodations et comporte différents stades :
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sensorimoteur (0-2 ans) : exploration par l’action ;
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apparition de la permanence de l’objet (2-3 ans) ;
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développement du langage, du babillage à la syntaxe ;
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maturation affective : premières expressions émotionnelles, accordage émotionnel.
Vie relationnelle
Dès 3 mois, l’enfant communique.
L’objet transitionnel (Winnicott) aide à se rassurer.
Deux évolutions majeures apparaissent : la socialisation des actions (agir pour communiquer) et l’émergence des représentations mentales (images mentales, intériorisation).
Le jeune enfant (3-6 ans)
Langage
Il devient plus aisé, permettant consignes, récits et monologues.
Représentation
Grâce aux images mentales, l’enfant développe :
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jeux symboliques,
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dessin figuratif,
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première logique intuitive.
Socialisation
Il explore son identité (usage du « je », expérience du miroir).
L’opposition contribue à construire sa personnalité.
L’imitation devient un mode central de communication.
Développement affectif
On observe des peurs (surtout imaginaires), des obsessions (rituels rassurants) et des crises émotionnelles.
L’enfant d’âge scolaire (6-12 ans)
Cette période est marquée par la scolarisation, l’intégration dans un groupe plus large et la multiplication des règles.
Cognition
La pensée passe de l’intuition à la pensée catégorielle : classification, logique, causes-effets, séries, lecture.
C’est le stade des opérations concrètes.
La motivation et l’attention deviennent cruciales.
Socialisation
L’enfant développe la théorie de l’esprit : comprendre que les autres peuvent penser différemment.
C’est un point clé pour expliquer certains troubles comme l’autisme.
La coopération, la négociation et la résolution de problèmes se développent.
Affectivité
Il gagne en autonomie et affirme sa personnalité.
Certains modèles estiment que la structure de la personnalité est presque fixée vers 6 ans, d’autres non.
Rôle de l’école dans le repérage
L’école constitue le premier lieu de repérage des difficultés, qu’elles soient affectives ou cognitives (notamment les troubles « dys »).
Le diagnostic précoce améliore le pronostic, mais reste délicat parce que l’enfant est en plein développement.
L’adolescence
Définition
L’adolescence est une période de transition entre l’enfance et l’âge adulte. Son début coincide avec la puberté et sa fin dépend de repères sociaux (autonomie, études, etc.). Dans les sociétés occidentales, elle s’étend environ de 12 à 25 ans.
1. Changements physiologiques
Les transformations corporelles entraînent questionnements identitaires. La précocité ou le retard pubertaire influence fortement l’image de soi. Ces changements provoquent parfois des difficultés psychiques (angoisses, interrogations sur l'identité sexuelle).
2. Changements sociaux
L’histoire montre que la durée de l’adolescence a varié. Dans certaines cultures, elle est marquée par des rites de passage.
Le groupe de pairs joue un rôle central : il participe à la construction identitaire et peut être le lieu de comportements déviants.
3. Changements cognitifs
Vers 15-16 ans, l’adolescent accède au stade des opérations formelles : pensée abstraite, hypothèses, idéologies, construction d'un modèle de soi (idéal du Moi).
Être adulte, selon Piaget, implique de concilier pensée et expérience.
4. Changements affectifs
La psychanalyse décrit l’adolescence comme une réactivation des conflits infantiles, notamment œdipiens.
L’adolescent se détache de ses parents comme modèles et cherche des objets d’amour extérieurs.
Il teste les limites (les siennes, celles des autres, celles de la société). Des éléments dépressifs ou des conduites à risque peuvent apparaître.
L’âge adulte
1. Modèle biologique
L’adulte est celui qui atteint une forme d’équilibre.
2. Modèle social
L’âge adulte correspond à la phase de vie active (25-65 ans). L’individu doit assumer des responsabilités sociales (travail, famille, autonomie). Les écarts à cette norme compliquent la reconnaissance sociale de l’adulte.
3. Modèle psychologique
Être adulte consiste à maintenir la structure générale de sa personnalité, tout en restant capable d’adaptation et d’apprentissage.
4. Modèle psychanalytique
L’adulte représente l’aboutissement du développement libidinal. La vie sexuelle devient organisée et tournée vers la relation.
Les événements de vie entraînent une érosion du Moi (transformations corporelles, échecs, frustrations).
La nostalgie (« c’était mieux avant ») témoigne aussi de mécanismes cognitifs et affectifs.
Crises de l’âge adulte
Certaines crises jalonnent cette période :
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devenir parent (réaménagement identitaire),
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crise parentale (face à l’adolescence des enfants),
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crise du milieu de vie (45-55 ans), marquée par l’angoisse du temps qui passe, voire par des symptômes dépressifs ou hypocondriaques.
Ces crises ne sont pas pathologiques mais correspondent à des moments de bilan et de réorientation.
La personne âgée
1. Vieillissement
Longtemps assimilé à une simple involution, le vieillissement est aujourd’hui envisagé de manière plus nuancée.
2. Âge fonctionnel
On évalue désormais la personne âgée en comparant son âge réel avec ses capacités biologiques (respiration, fonction rénale…), psychologiques (tests cognitifs, dépression) ou motrices.
3. Trois aspects du développement
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Biologique : vieillissement organique.
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Social : perte progressive des rôles sociaux ; risque de « mort sociale » dans certaines cultures, tandis que d'autres valorisent le statut du vieillard.
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Psychologique : diminution de la motivation, perte de certaines compétences, modifications de l’image corporelle.
4. Vieillesse réussie
Une vieillesse réussie repose sur trois éléments :
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prévention des maladies,
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maintien du lien social,
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préservation d’un niveau élevé de fonctionnement cognitif et physique, favorisés par une bonne situation économique et une autonomie préservée.
Théories explicatives du développement
1. Inné et acquis
Trois positions s’opposent :
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Innéistes : le développement est déterminé par la maturation interne.
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Empiristes : il résulte de l’apprentissage et du milieu.
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Constructivistes (Piaget) : l’enfant construit activement ses connaissances par l’expérience.
2. Stades de Piaget
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Sensorimoteur (0-2 ans) : exploration motrice.
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Opérations concrètes (2-12 ans) : pensée logique appliquée à des objets concrets.
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Opérations formelles (dès 12-14 ans) : pensée abstraite, hypothèse, raisonnement scientifique.
3. Développement psychosexuel (psychanalyse)
La personnalité est toujours en mouvement et façonnée par le passé.
Freud décrit plusieurs stades :
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stades oral, anal, puis génital (0-3 ans),
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période préœdipienne,
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complexe d’Œdipe et différence des sexes,
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latence,
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adolescence (réactivation des conflits),
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âge adulte (choix objectal),
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sénescence (réaménagements psychiques).