Cours - L'analyse d'une question éthique
L’éthique occupe une place centrale dans les professions de santé.
Les soignants sont confrontés à des situations complexes où plusieurs valeurs entrent en tension : respect de la personne, sécurité, autonomie, bienfaisance, confidentialité, justice…
Analyser une question éthique signifie comprendre la situation dans sa globalité, identifier les enjeux moraux et rechercher la solution la plus juste et la plus respectueuse pour la personne.
Qu’est-ce qu’une question éthique ?
Définition
Une question éthique surgit lorsqu’une situation professionnelle implique :
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un conflit de valeurs ;
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une incertitude sur la meilleure action ;
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un dilemme (aucune solution n’est parfaitement satisfaisante) ;
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un risque pour la dignité, la liberté ou les droits d’une personne.
Elle ne porte pas seulement sur ce qui est légal, mais sur ce qui est juste humainement.
Caractéristiques d’une question éthique
Une situation éthique se reconnaît souvent par :
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un inconfort ou un malaise ressenti ;
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un questionnement ;
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des points de vue divergents au sein de l’équipe ou avec la famille ;
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une décision difficile à prendre ;
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un impact sur la qualité de vie ou l’intégrité de la personne.
Exemples typiques en santé
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refus de soins d’un patient conscient ;
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limitation ou arrêt des thérapeutiques ;
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soins invasifs chez une personne non communicante ;
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contention physique ou chimique ;
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situations de maltraitance ou négligence ;
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fin de vie ;
-
confidentialité face à un danger grave pour autrui.
Les fondements de la réflexion éthique
La réflexion éthique s’appuie sur plusieurs principes reconnus dans le champ biomédical :
Le principe d’autonomie
Respecter la capacité de la personne à décider pour elle-même.
Cela implique :
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le consentement libre et éclairé ;
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le respect de la volonté ;
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l’information sincère et compréhensible.
Le principe de bienfaisance
Agir dans l’intérêt de la personne pour favoriser son bien-être.
Le principe de non-malfaisance
Ne pas causer de tort, éviter les risques disproportionnés.
Le principe de justice
Garantir l’équité : égalité d’accès, non-discrimination, répartition juste des ressources.
Ces principes servent de repères, mais ne donnent pas toujours une réponse immédiate, d’où la nécessité d’un processus d’analyse structuré.
Le processus d’analyse d’une question éthique
L’analyse éthique nécessite une démarche organisée.
Voici les grandes étapes reconnues en éthique clinique.
Étape 1 : Décrire la situation de manière factuelle
Il s’agit de clarifier :
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les faits (observations, données objectives) ;
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les acteurs concernés (patient, famille, équipe) ;
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le contexte (médical, social, institutionnel) ;
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les enjeux immédiats et potentiels.
La description doit être neutre, sans interprétation.
Étape 2 : Identifier les valeurs en jeu
On recherche les valeurs en tension, par exemple :
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autonomie vs sécurité ;
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bienfaisance vs respect de la volonté ;
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intimité vs organisation du service ;
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respect du patient vs respect de la famille.
Comprendre ces tensions est essentiel pour éclairer la décision.
Étape 3 : Repérer les normes juridiques et professionnelles
Il est nécessaire de vérifier :
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les droits du patient (loi du 4 mars 2002) ;
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les obligations professionnelles (code de la santé publique) ;
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les recommandations (HAS) ;
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les règles de l’établissement.
Le droit ne donne pas toujours la réponse, mais il fixe les limites du possible.
Étape 4 : Recueillir les points de vue des acteurs
Chaque membre de l’équipe, ainsi que la personne ou ses représentants, peut avoir :
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une perception différente ;
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des attentes spécifiques ;
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des émotions ou craintes ;
-
une vision particulière de ce qui est juste.
La discussion permet de comprendre les divergences et d’ouvrir le raisonnement.
Étape 5 : Analyser les options possibles
Pour chaque option, il faut questionner :
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Quels bénéfices ?
-
Quels risques ?
-
Quelle valeur est favorisée ?
-
Quelle valeur est fragilisée ?
-
Quelles conséquences pour la personne ?
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Quelle cohérence avec les principes éthiques ?
L’analyse doit être structurée et argumentée.
Étape 6 : Justifier la décision
La décision retenue doit être :
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argumentée ;
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proportionnée ;
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centrée sur la personne ;
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cohérente avec les valeurs de soin ;
-
conforme au droit et à la déontologie ;
-
partagée par l’équipe si possible.
L’objectif est de choisir l’action la plus éthique, pas la plus simple.
Étape 7 : Mettre en œuvre et réévaluer
La mise en œuvre doit respecter :
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la dignité de la personne ;
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la transparence de l’information ;
-
la cohérence de l’équipe.
La réévaluation est indispensable, car une situation éthique peut évoluer.
Elle permet d’ajuster la décision, notamment dans les situations de fin de vie ou de soins complexes.
La place de l’équipe dans la réflexion éthique
La question éthique ne doit jamais être portée seul.
L’équipe joue un rôle clé car :
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elle apporte des perspectives diverses ;
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elle sécurise la décision ;
-
elle limite le risque d’erreur ou de biais individuel ;
-
elle permet un soutien émotionnel.
Les réunions éthiques ou groupes de réflexion éthique (CRE, Espace éthique régional…) permettent d’approfondir l’analyse dans un cadre pluridisciplinaire.
La posture professionnelle face à une question éthique
Le soignant doit adopter une posture professionnelle fondée sur :
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le respect inconditionnel de la personne ;
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l’écoute active ;
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l’humilité ;
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la disponibilité à questionner ses propres valeurs ;
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la transparence dans ses actions ;
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la collaboration avec l’équipe.
L’éthique n’est pas une certitude, mais un questionnement permanent.
Compétences développées chez l’étudiant
L’analyse d’une question éthique permet à l'étudiant infirmier de développer :
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la capacité à repérer les dilemmes ;
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la compréhension des enjeux humains ;
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l’argumentation et la justification de ses décisions ;
-
la réflexivité ;
-
la capacité à coopérer en équipe autour d’un problème complexe.
Ces compétences sont au cœur du métier infirmier.