Les modèles et théories en soins infirmiers

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Le soin : une activité fondamentale et universelle

Le soin constitue une activité essentielle à la vie humaine. Il englobe tous les gestes du quotidien indispensables à la préservation de l’intégrité physique, mentale et sociale : s’alimenter, dormir, se laver, se mobiliser, communiquer, etc. Ces actes sont universels : chaque être humain, quel que soit son âge, sa culture ou son lieu de vie, a des besoins fondamentaux à satisfaire.

  • Le soin ne s’adresse pas uniquement à une personne malade, mais à tout individu, dans une perspective préventive, éducative, curative ou palliative.

  • Il s’étend tout au long de la vie, de la naissance à la mort.

  • Une personne autonome et en bonne santé peut assurer seule ses soins, mais en cas de perte d’autonomie, temporaire ou permanente, l’aide d’un professionnel de santé, notamment l’infirmier ou l’infirmière, devient nécessaire.

 

Les grandes théories du soin infirmier

Les théories infirmières ont pour objectif de structurer la pensée soignante, de guider la pratique clinique et de favoriser une meilleure compréhension des besoins du patient. Voici quelques-unes des contributions majeures :

Walter Hesbeen

Walter Hesbeen insiste sur le fait que l’être humain ne peut pas être réduit à un simple corps-objet sur lequel on appliquerait des savoirs et des techniques, aussi perfectionnés soient-ils.
Il distingue deux dimensions fondamentales du soin :

  • Le "cure", qui correspond à l’action médicale (soigner, guérir la maladie, les actes techniques).

  • Le "care", qui représente le "prendre soin", c’est-à-dire l’attention portée à la personne dans sa globalité, dans une relation d’accompagnement, de présence et d’écoute.
    Sa vision met en avant une approche humaniste et relationnelle du soin infirmier.

Léonie Chaptal (1873–1935)

Pionnière de la formation infirmière en France, Léonie Chaptal affirme que « l’infirmière doit tout savoir du patient, et non tout de la maladie ».
Autrement dit, la connaissance du patient, dans sa singularité, son histoire, ses émotions, ses besoins, est au cœur de la compétence infirmière, tandis que la maladie relève davantage de la science médicale.
Elle valorise ainsi une approche centrée sur la personne, et non sur la pathologie, soulignant le rôle complémentaire mais distinct de l’infirmière par rapport au médecin.

Martha Rogers (1970)

Pour Martha Rogers, le soin infirmier est à la fois une science et un art. Il repose sur une base de connaissances propres à la profession, issues de la recherche scientifique, de l’analyse logique, mais aussi de l’expérience humaine.
Elle considère que ces savoirs sont spécifiques et uniques, et qu’ils doivent être transformés en pratique professionnelle adaptée aux situations cliniques.
Son approche donne une place importante à l’intuition, à la créativité et à la complexité de la relation soignant-soigné.

Dorothea Orem (1914–2007)

Dorothea Orem est à l’origine de la théorie du déficit d’autosoins. Selon elle, le soin infirmier consiste à aider une personne qui est incapable, partiellement ou totalement, de prendre soin d’elle-même.
L’intervention de l’infirmier(e) vise donc à compenser ou accompagner cette incapacité, de façon temporaire ou permanente.
L’objectif est toujours de favoriser le retour à l’autonomie, en identifiant ce que la personne peut faire seule et ce pour quoi elle a besoin d’assistance.
Cette théorie est largement utilisée dans les plans de soins actuels.

Virginia Henderson (1960)

Virginia Henderson propose une définition devenue classique du soin infirmier. Pour elle, le rôle de l’infirmière est « d’assister l’individu, malade ou bien portant, dans l’accomplissement des actes qu’il ferait lui-même s’il en avait la force, la volonté ou le savoir ».
L’infirmier(e) agit donc pour maintenir, restaurer ou promouvoir la santé, mais aussi pour permettre à la personne de mourir en paix, si c’est le moment.
Elle insiste sur les besoins fondamentaux de la personne, qu’elle a répertoriés au nombre de 14, et sur l’importance d’une prise en charge globale, individualisée et respectueuse de la dignité.

Ces théories mettent en lumière la spécificité des soins infirmiers, qui ne se limitent pas à l’exécution de techniques médicales, mais englobent une dimension humaine, éthique, éducative et relationnelle.

 

Les savoirs du professionnel infirmier

Les professionnels infirmiers mobilisent une combinaison complexe de savoirs, qui permettent d’assurer une prise en charge globale, personnalisée et sécurisée :

  • Savoir : connaissances scientifiques, biomédicales, psychologiques, sociales, ainsi que des capacités pédagogiques.

  • Savoir-faire : compétences techniques (soins, gestes), relationnelles (écoute, communication), organisationnelles (gestion du temps, coordination).

  • Savoir-être : qualités humaines, éthiques et professionnelles telles que l’empathie, le respect, le sens des responsabilités, la discrétion, la bienveillance.

Ces trois dimensions sont indissociables et participent à la qualité des soins.

 

La nature des soins infirmiers

Les soins infirmiers englobent un ensemble d’interventions professionnelles visant à maintenir, améliorer ou restaurer la santé physique, mentale, sociale d’un individu ou d’un groupe. Ils peuvent être :

  • Préventifs : éducation à la santé, vaccination, dépistage.

  • Diagnostiques : évaluation clinique, surveillance des signes vitaux.

  • Thérapeutiques : administration de traitements, réalisation de soins techniques.

  • Éducatifs : accompagnement à l’autonomie, éducation thérapeutique du patient.

Ces soins sont encadrés par un cadre légal et déontologique, et s’inscrivent dans une démarche de qualité, sécurité, respect de la personne.

 

Les 10 compétences infirmières (Référentiel 2009 – Ministère de la Santé)

L’exercice infirmier repose sur 10 compétences clés qui structurent la formation et la pratique professionnelle :

  1. Évaluer une situation clinique et établir un diagnostic infirmier.

  2. Concevoir et conduire un projet de soins individualisé et adapté.

  3. Accompagner la personne dans la réalisation de ses soins quotidiens, en favorisant l’autonomie.

  4. Mettre en œuvre des actions à visée diagnostique et thérapeutique, en collaboration avec l’équipe médicale.

  5. Initier et appliquer des soins éducatifs et préventifs, adaptés à chaque patient.

  6. Communiquer et construire une relation de confiance dans un contexte de soins.

  7. Analyser la qualité des soins et améliorer sa pratique professionnelle en continu.

  8. Rechercher et traiter des données professionnelles et scientifiques pour appuyer ses décisions.

  9. Organiser et coordonner les interventions soignantes dans un environnement pluridisciplinaire.

  10. Informer, former les pairs, les nouveaux professionnels ou les étudiants en soins infirmiers.