Le modèle tri-focal

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Définition générale

L’analyse clinique infirmière est un cadre de référence structurant permettant à l’infirmier(e) :

  • D’identifier et de formuler les problèmes de santé d’un patient ;

  • De distinguer les pathologies médicales des réactions humaines qu’elles provoquent ;

  • D’apprécier les risques potentiels liés à l’état de santé ou aux traitements ;

  • D’ancrer sa pratique dans son champ de compétences autonome et en collaboration avec les autres professionnels de santé.

Ce processus s’appuie sur une vision globale (holistique) du patient, prenant en compte :

  • Les dimensions biologiques, psychologiques et sociales ;

  • L’impact de la maladie sur le projet de vie du patient (cf. UE 2.3 : rupture biographique, vécu, deuil, adaptation, etc.) ;

  • Les ressources du patient et de son entourage, notamment ses capacités d’adaptation, de compréhension, de participation au soin.

 

Finalités de cette démarche

L’objectif est d’analyser une situation clinique de manière rigoureuse, afin de :

  • Émettre des hypothèses pertinentes à partir des signes cliniques observés ;

  • Différencier les problèmes actuels des risques futurs ;

  • Adapter les soins aux besoins réels de la personne dans sa singularité ;

  • Participer à une prise en charge pluridisciplinaire cohérente et efficace.

 

Les trois domaines de l’analyse clinique

Cette méthode s’organise autour de trois grands domaines cliniques, qui permettent d’organiser les données, de raisonner et de poser un jugement clinique infirmier en respectant l’autonomie professionnelle de l’infirmier(e).

 

1er domaine : Lien avec la pathologie

Ce domaine concerne tous les éléments en lien direct avec la pathologie médicale et la prise en charge médicale du patient. Bien que ce champ relève prioritairement du médecin, l’infirmier(e) y intervient en observateur, analyste et collaborateur attentif.

Il comprend :

  • Les hypothèses diagnostiques (en attente de confirmation par le médecin) ;

  • Les signes et symptômes objectivés de la maladie ;

  • Les éléments de la prescription médicale, que l’infirmier(e) doit analyser et surveiller (effets attendus, effets secondaires, interactions) ;

  • Les situations d’urgence, dans lesquelles l’infirmier(e) exerce un jugement rapide et agit en conformité avec son champ de compétence.

Exemple : fièvre, douleur thoracique, dyspnée, pression artérielle élevée, ECG anormal, prescription d’anticoagulants.

 

2e domaine : Risques identifiés

Ce domaine regroupe les risques potentiels pouvant découler :

  • De l’état pathologique lui-même ;

  • Des effets secondaires ou complications des traitements ;

  • Ou encore des réactions humaines physiques ou psychologiques (anxiété, isolement, mal-être, risque de chute, de dénutrition...).

Il s’agit ici d’anticiper les problèmes de santé qui ne sont pas encore manifestés, mais qui pourraient survenir si aucune action préventive n’est mise en place.

Particularité : aucun signe clinique n’est encore présent, car ce sont des risques.

Exemple : risque d'escarres chez un patient alité, risque de confusion lié à une hospitalisation en service aigu, risque hémorragique sous traitement anticoagulant.

 


3e domaine : Réactions humaines et ressources

Ce domaine est au cœur du rôle propre infirmier. Il s’intéresse aux réactions humaines physiques, psychologiques et sociales face à la situation de santé.

Il comprend :

  • Les manifestations subjectives exprimées par le patient (douleur, peur, tristesse, fatigue, refus de soin, perte d’appétit…) ;

  • L’évaluation des capacités d’adaptation du patient et de sa famille : compréhension, mobilisation des ressources, participation aux soins, autonomie dans les actes de la vie quotidienne ;

  • Les besoins fondamentaux altérés (au sens de Virginia Henderson), comme se nourrir, dormir, respirer, se mouvoir, etc.

Ce domaine permet à l’infirmier(e) de formuler des diagnostics infirmiers ou problèmes de santé relevant de sa compétence propre, avec une logique de prise en charge globale et personnalisée.

Exemple : douleur évaluée à 8/10, isolement social, trouble du sommeil, perte d’autonomie dans l’hygiène, anxiété liée au diagnostic.

 

Attention : ce n’est pas un classement, mais une démarche réflexive

Il est important de souligner que les problèmes de santé ne doivent pas être "classés" dans des colonnes de manière automatique ou rigide. L’usage de ces trois domaines vise plutôt à :

  • Structurer l’analyse clinique infirmière ;

  • Orienter le questionnement professionnel ;

  • Formuler les problèmes de santé de façon adaptée, argumentée et justifiée.

Cette démarche s’appuie autant sur les sciences médicales (physiopathologie, pharmacologie...) que sur les sciences humaines (psychologie, sociologie, éthique...), ce qui garantit une approche holistique du patient.