Le raisonnement clinique
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Origine et définition
Le terme clinique vient du mot grec klinikos, signifiant « celui qui est au chevet des malades ». Il renvoie à une posture d’observation attentive, rigoureuse et réfléchie de la personne soignée dans son environnement, dans le but de comprendre les manifestations de la maladie ou du besoin de soin.
Le raisonnement clinique est un processus intellectuel structuré et complexe, mobilisé par l’infirmier(e) dans la pratique quotidienne. Il consiste à :
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Analyser et interpréter des situations de soins à partir de données cliniques ;
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Utiliser des opérations mentales successives (perception, questionnement, analogie, induction, déduction...) ;
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Aboutir à une conclusion logique et personnalisée appelée jugement clinique ;
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Concevoir des actions de soins adaptées et en évaluer les résultats.
Ce processus s’inscrit dans une posture réflexive, c’est-à-dire une attitude de questionnement constant face aux situations rencontrées.
Les 4 attributs du raisonnement clinique
Pour qu’un raisonnement clinique soit pertinent, il doit s’appuyer sur quatre piliers fondamentaux :
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Des connaissances solides
Il s’agit de maîtriser les savoirs en sciences médicales, paramédicales, humaines et sociales, indispensables pour analyser les signes cliniques, comprendre la pathologie, et interpréter les comportements ou besoins du patient. -
L’usage adapté de méthodes de raisonnement
Le professionnel doit adapter sa façon de raisonner selon la situation :-
Méthode inductive : partir des faits pour formuler une hypothèse générale.
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Méthode déductive : partir d’une hypothèse ou théorie pour vérifier sa présence dans les faits.
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Méthode hypothético-déductive : combiner les deux, en formulant des hypothèses qu’on vérifie par des observations ciblées.
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Méthode par anticipation : utiliser l’expérience clinique pour prévoir les complications ou évolutions possibles.
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La capacité de jugement en lien avec le niveau de responsabilité
L’infirmier(e) doit être capable d’exercer un jugement professionnel autonome, proportionné à son niveau d’expertise, de responsabilité et au contexte de soins. -
Une relation de qualité avec le patient
L’attitude soignante (écoute, respect, bienveillance, posture d’ouverture) favorise un recueil de données fiable et une meilleure compréhension de la situation.
Le processus du raisonnement clinique
Le raisonnement clinique se déroule en plusieurs étapes successives :
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Connaissance préalable de la personne soignée
Analyse du dossier patient, des antécédents médicaux, des transmissions écrites et orales, etc. -
Recueil de données cliniques actuelles
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Observation attentive du patient (posture, comportement, apparence physique, signes vitaux…) ;
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Écoute active des propos du patient et de son entourage ;
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Recueil structuré et rigoureux des signes et symptômes, objectifs et subjectifs.
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Mobilisation des savoirs théoriques
Les connaissances acquises permettent d’interpréter les données, de formuler des hypothèses et de relier les éléments entre eux. -
Analyse croisée et synthèse
Les données sont mises en lien pour construire une vision d’ensemble cohérente de la situation clinique, dans une démarche réflexive. -
Formulation du jugement clinique
C’est la conclusion du raisonnement : une interprétation fondée qui guide la prise de décision et l’action soignante à mettre en œuvre.
Haut et bas raisonnement clinique
Il existe deux niveaux de raisonnement clinique :
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Le bas raisonnement clinique
Il consiste à lier directement une observation à une action, sans réelle réflexion approfondie. Le soignant agit de manière automatique, en réponse immédiate à un signe ou symptôme.
→ Le patient est souvent passif, et la prise de décision manque de profondeur. -
Le haut raisonnement clinique
Il repose sur une méthode d’observation active, intégrée dans une démarche d’investigation. À partir de faits cliniques recueillis, l’infirmier :-
Formule des hypothèses grâce à ses savoirs ;
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Effectue un recueil complémentaire de données (examen clinique, échanges, dossier) ;
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Confirme ou infirme ses hypothèses ;
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Tire un jugement clinique pour ensuite agir de manière ciblée, puis évaluer l’efficacité de l’action.
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Ce niveau de raisonnement est structuré, réfléchi et adaptatif, et met le patient au centre de la décision soignante.
Le jugement clinique
Le jugement clinique est le résultat final du raisonnement mené à partir :
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D’un recueil de données structuré et pertinent ;
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De connexions logiques entre signes, symptômes et connaissances ;
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D’une posture réflexive, évitant les décisions précipitées ou biaisées.
Il s’agit d’une opinion professionnelle construite, qui permet de :
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Définir une situation clinique avec précision ;
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Formuler des diagnostics infirmiers ;
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Élaborer des stratégies de soins personnalisées et adaptées ;
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Évaluer les actions mises en place pour les ajuster si nécessaire.
Le jugement clinique est un acte autonome et responsable, ancré dans la compétence infirmière et essentiel à la qualité, la sécurité et l’humanité des soins.